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Parasites #2
Faire Avec: Forma Coléoptèra.
Une étude Métiers Vivants®
Récit, photographie, installation plastique, objet, mobilier et luminaire | Partenaire de recherche Scierie Barbier
2024
Crédit photos :
Jules Levasseur
Retour au sein de la scierie Barbier à Vilaines-en-Duesmois.
Le premier transformateur du bois, adepte du milieu naturel qui l'entoure, repositionne l'enjeu des bois malades sur la dévaluation de la matière. Il pose des perspectives très inquiétantes quant aux chamboulements à venir concernant nos habitudes matérielles en lien avec le bois transformé.
L'avenir du bois comme nous le connaissons est incertain selon son diagnostic. Les espèces endémiques auront tendance à se détériorer davantage. Elles seront remplacées par de nouvelles espèces plus résilientes, à la faveur d'une adaptation des modes de culture. Mais le temps de la forêt n'est pas celui de la production. Le rapport entre la durée de culture pourtant rapide des pessières (entre 60 et 80 ans) et celui de l'usage d'un morceau de bois (parfois à peine quelques années, voire quelques mois, sinon quelques jours) biaise les perceptions de durabilité et de valeur. Les nouvelles politiques sylvicoles engagées aujourd'hui auront des effets en 2100 sur le secteur productif.
L'enjeu à court terme et double. Respecter les cycles naturels locaux et accepter l'altération pour ce qu'elle détériore, pour éviter la déstabilisation d'un tissu économique hétérogène qui en dépend.
Chapitre deux, faire avec, sensibiliser, s'inspirer.
Tests d'assemblage sur l'optimisation de la matière,
"Forma Coléoptèra"
Ce sont des cubages importants, très importants. Le soucis n'est pas tant que nous ne savons pas quoi en faire, au contraire, certains disent que c'est une opportunité de développer de nouveaux marchés et d'engager enfin une transition énergétique verte et durable. L'Etat subventionne largement cette nouvelle valeur de la ressource bois, qui me paraît pourtant plutôt rétrograde. Près de la moitié des subventions forestières sont attribuées au développement de la bio-masse énergie (Agnès Stienne, Bouts de bois, 2023, éditions La Découverte citant Camille Geoffray, Forêts Français, en quête d'avenir, 2022). L'avenir des bois parasités ? Nous les brûlerons donc.
Réduire en granulé, en paillage ou en fibre des bois condamnés parce qu'ils ont subit trop tôt et trop vite les aléas de notre temps semble être une double peine. La plupart pourtant porte des stigmates légers, surtout si l'infection a été repérée et traitée rapidement. A la coupe, le m3 d'épicéa sain vaut environ 90 euros, il sera vendu 10 euros à peine si il fait partie d'un lot infecté. Une dévaluation importante pour le propriétaire, qui fragilise les capacités des collectivités à entretenir convenablement les parcelles lorsque celles-ci sont communales. À la vue de ces phénomènes, que penser d'un soutien étatique pour brûler nos forêts ?
Tous ici, professionnels de la filière bois, aiment leurs forêts et respectent la matière qu'ils travaillent. Ceux qui en vivent ont d'autant plus intérêt à valoriser le bois dégradé tant le phénomène est exponentiel. Cela se traduit par la disparition future de paysages, mais également de savoir-faire, d'outils et d'économies locales qui ont une longue tradition avec la forêt. Le futur du bois semble être l'altération. Le ministère de l'agriculture (DRAAF BFC santé des forêts) conclut son rapport 2023 par une préconisation. Attendre avant d'engager des projections sylvicoles quelconques, puisqu'aucune méthode connue ne semble adaptée pour des résultats à court terme.
Travailler le bois, vivre à la campagne et lire ce rapport fait froid dans le dos.
Pourtant, ce sujet semble être un tabou, de moins en moins facile à cacher. Politiquement, la dégradation sanitaire d'une biodiversité locale n'est pas un atout d'attractivité. Professionnellement, on peut citer les industriels de tendances, qui considèrent la matière en dehors de sa durabilité réelle et locale au profit d'une image qu'on désir. Le bois doit respecter l'identité des canons qu'on lui impose.
Les faits se traduisent par un imprimé bois stratifié sur un panneau composé de particules de bois scolyté. Celui ci aurait pu devenir bois d'oeuvre si nous l'avions regardé autrement dès sa croissance, et fortiori lors de sa coupe. La maladie dérange, nous ne souhaitons pas la voir. Economiquement, bien entendu, tout est fait pour être efficace. Les coupes rases vont vite, elles ne distinguent pas les singularités sur les parcelles. Ce bois dévalué à près de 85% ne mérite pas de temps de considération. Un volume important sera transformé sans distinction en particules puis recompacté et moulé, pour un faire un produit standard et neutre, vierge de toute identité, prêt à être façonné aux standards de beauté. Médium, OSB, granulés, aggloméré, au mieux latté. Derrière la façade, des bois malades invisibles.
Alors en contact avec les métiers de la transformation, on se rend compte que la question de la valeur reste cloisonnée au ratio matière / temps de main d'oeuvre. Le remplacement de certains outils traditionnels par des outils de rendement facilite l'évacuation des parties altérées en sciure. Mais chaque professionnel que je rencontre ne se satisfait pas de la solution, il sait qu'elle n'est pas durable.
Avec Forma Coléoptèra, le deuxième volet du projet Parasite j'aborde des solutions expressives pour et à partir de ces bois malades et altérés. Les formes sont inspirées des parasites.
Il s'agit de penser des productions pour rendre visible l'invisible, en référence au langage des métiers forestiers. La conception d'objets domestiques rythme l'étude: domestiquer le parasite, s'approprier sa forme, accepter la différence, l'utiliser pour les singularités qu'il nous offre. Proposer ainsi des formes qui soient exclusives au bois parasité le valorisant pleinement.
Recherches formelles, expérimentations sur l'optimisation de la matière
Répertoire de formes fonctionnelles.
Recherches simples sur l'optimisation de la matière.
Contenir + Forma Coléoptera
Standardiser la matière altérée pour développer des
solutions d'assemblage augmentées.
Le principe fondateur de ce deuxième volet est une standardisation des parties pauvres respectivement aux outils disponibles dans les ateliers locaux de première transformation.
En expérimentant des parties altérées (frêne chalarosé, chêne altération rouge cubique, châtaigner piqué) obtenues en planches ou en avivés, j'ai souhaité trouver la bonne forme pour que cette matière soit optimisée et efficace dans son usage.
L'idée est de considérer les parties pauvres comme étant précieuses, prenant alors soin d'éviter un maximum de chutes dans les opérations de débit, puis dans les opérations d'assemblage. En devenant un standard d'assemblage en faux-tenons très répandu dans les ateliers actuellement, la matière se revalorise de deux manière. Elle devient au centre de la technique, puisqu'elle permet d'assembler. Elle devient usage, puisque cet assemblage se développe en volume créant ainsi la fonction. Il est alors visible, au centre de l'objet.
Les volumes sont générés grâce à une organisation hiérarchique qui offre de grandes possibilités formelles et économiques. Le prix de la matière dévaluée permet de la travailler respectueusement, aussi surprenant cela puisse paraître.
Le profil oblong, dont les différentes largeurs correspondent aux standards, donne une nouvelle perception de l'altération. C'est d'abord une affaire de proportion. Le champignon et les piqûres deviennent mesurés, ils semblent plus contrôlés. Les chutes s'amenuisent pour devenir anecdotiques.
À la recherche de formes cohérentes, exploitant les capacités d'assemblage et de finitions qui s'offrent alors, j'ai choisi de développer un langage "coléoptère", inspiré de cette famille d'insecte qui dévaste les forêts avoisinantes (Forma Coléoptèra).
Ce travail offre des perspectives d'usage claires et techniquement viables dans un logique de proximité, de circuit-court et de pratique métier à différentes échelles.
Frêne Chalarosé / Mise au format
Ensemble de tests "Forma Coléoptèra".
Penser des formes évocatrices, sensibles et disproportionnées pour sensibiliser sur le phénomène
in-situ.
Forma Coléoptera,
Trans - Parasites 2060, installation.
Les produits phytosanitaires innovants destinés à détruire les invasions de scolytes ont résolu le problème et anéanti une grande part du sol, la précieuse litière. En 2060, les parasites ont disparus, la biodiversité également. Mais certaines larves, protégées en profondeur, logées dans les racines, ont maturées dans des résidus de traitement. Dopés à la chimie, en contact du bois, de nouveaux scolytes géants apparaissent en matière végétale (Trans-parasites). Ils semblent inertes, cherchent à entrer sous l'écorce pour développer leur cycle mais ils n'y parviennent pas. Ils font corps avec le bois mort, développent de nouveaux régimes et de nouvelles morphologies.
Installation évocatrice d'une fiction, dont le décors et la matière sont pourtant si actuels. Questionner le signe et le symbole quant aux stigmates des maladies en cours, parfois invisibles à l'oeil nu.
Coléoptèra Singulier
Structure supérieure en révolution rectangulaire ajourée développant un ensemble de pattes.
Photographié rampant, à la recherche d'un arbre à coloniser.
Un second spécimen accroché à un arbre, semblant chercher des points de faiblesse pour pénétrer l'écorce.
En moyenne, un Singulier mesure 50cm de long.
Coléoptèra Fragment
De courte taille, il vit en colonies. Sa structure supérieure est centrale, elle se définit par un tronc invertébré.
Des larges mais fines pattes lui permettent de mieux fendre l'écorce pour s'y loger. Sa taille varie entre 30 et 40cm.
Coléptèra Pluriel.
Proche du Singulier, il possède une structure identique bien qu'elle soit mieux dessinée et plus imposante. Sa grande différence provient de sa double couronne de pattes, les petites intérieures lui permettant de défibrer le bois.
Performant au sol, il ronge les arbres tombés et s'aventure sur les troncs encore debout, faisant fuir les plus petits que lui. Ses pattes étant presque horizontales, elles lui permettent de mieux traiter les surfaces. Il mesure environ 100cm de long, 40cm de large.
Coléptèra Souple.
Son nom provient de la souplesse de sa structure supérieure, qui lui permet de s'enrouler autour des arbres. Seul spécimen connu à pattes rayonnantes, son cycle digestif est plus performant lorsqu'il se suspend aux tangentes d'un tronc. Il s'associe alors avec l'arbre, comme un ornement, dans une symétrie contemplative. Son rapport à la lumière est assez évocateur. Il mesure plus de 140cm de long, enroulé, environ 90cm de diamètre.
Coléptèra Végétal.
Sa grande dimension (130cm déployé) combiné à l'organisation de ses pattes croissantes et décroissantes lui donne une sensibilité végétale proche de la feuille.
Cette espèce à monte haut le long de l'arbre. Il offre alors l'impression qu'un feuillage réapparait. Relativement plat, il s'accroche aux branches et non au tronc.
Coléptèra Boule.
Le Boule a la particularité de ne pas avoir de pattes. Celles qui semblent l'être forment en réalité un entonnoir à écorce et lui permettent également de hacher le humus pour mieux le digérer. Il se déplace en roulant sur le sol, adapté aux forêts transformées en garrigue suite à l'élévation des températures.
Mesure en moyenne 30cm d'envergure.
Domestiquer la Forma Coléoptera, un usage pratique
et sensible des bois parasités
Les expérimentations expressives ont largement contribuées à définir des usages pour les assemblages augmentés en fonction des sections et des qualités de bois altérées.
Ainsi, dans les modèles ci-dessous, le frêne chalarosé est débité en deux parties, les parties sombres et altérées et les parties neutres, encore lumineuses. Les premières serviront à la structure, associées au chêne rouge, les secondes à soutenir la lumière.
La Forma Caléoptèra se rationnalise par l'introduction de la fonction. Les productions esquissent une collection singulière, rendant la recherche accessible parce que utile.
Suspension Coléopèra
Frêne massif, frêne chalarosé, tube led
Dimensions 140x25x20cm
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